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Autorité Inégalité Précarité


Vous pensiez que le code du travail avait quelque peu encadré la flexibilité, de sorte que l'employeur ne puisse pas, par le seul contrat de travail, disposer du salarié à sa guise ? Vous avez oublié que certains contrats, de droit privé, peuvent être conclus avec des établissements publics, en particulier d'enseignement scolaire, pour lesquels le droit a été adapté afin de mieux précariser les titulaires de ces contrats...

Au commencement (1989), il y eut les TUC (travaux d'utilité collective), suivis par les CES et CEC (contrats emplois solidarité / contrats emplois consolidés). En 2005, leurs succédèrent les CA (contrats d'avenir) et les CAE (contrats d'accompagnement dans l'emploi). Enfin, au 1er janvier 2010, le dernier-né s'appelle CUI (contrat unique d'insertion).
Leur point commun ? il s'agit de contrats dits « aidés ».

Réservés à un public ciblé (demandeurs d'emplois de longue durée, travailleurs handicapés, allocataires de minimas sociaux, ...), ces petits contrats (souvent limités à 20 heures par semaine), à durée déterminée, sont payés au SMIC. Pourquoi des contrats « aidés » ? Car l'employeur  est aidé par l'Etat pour procéder à ce type d'embauche... Eh oui, celui qu'on aide n'est pas celui qu'on croit, finalement !

Mais là où le scandale est le plus éclatant, c'est lorsque ces contrats sont conclus avec une personne de droit public (dit « secteur non marchand ») : sans aucune chance d'être embauché à l'issue de son contrat, le titulaire du CUI ne se voit appliquer, ni le statut [protecteur ?] de la fonction publique (il n'est pas fonctionnaire, et pas non plus contractuel de droit public), ni la plupart du code du travail, son employeur n'étant pas une entreprise de droit privé !

Un exemple : les EVS (emplois de vie scolaire) embauchés sous contrat aidé par l'Education nationale dans les établissements scolaires. A l'époque des CA et CAE, une faille avait été trouvée : l'établissement étant fermé pendant les vacances scolaires, les titulaires de ces contrats étaient « inemployables ». Qu'à cela ne tienne, les chefs d'établissement (qui rédigeaient et signaient ces pseudos-contrats de travail, s'improvisant DRH de la précarité), avaient inventé un système de modulation du temps de travail, qui leur permettait de payer les EVS 20 heures par semaine, tandis qu'ils en accomplissaient 26, la différence étant sensée « rattraper » les congés scolaires pris en trop (puisqu'excédant le droit à cinq semaines de congés payés par an).

Hélas, le code du travail avait prévu que la modulation du temps de travail ne pouvait être mise en place par simple contrat de travail ; il fallait au moins un accord collectif (de branche ou d'entreprise) pour la prévoir …Et dans l'Education Nationale, point de convention collective, point d'accord d'entreprise ! C'est ce que plusieurs Conseils de Prud'hommes, saisis par les titulaires de ces contrats abusifs, ont tranché dans de nombreuses décisions, un peu partout en France, condamnant l'Education Nationale à régulariser les salaires des EVS sur la base de 26 heures de travail, au lieu de 20 heures (cf. CPH de Mont de Marsan, 8 décembre 2008).

Sur la base de ces jugements, on aurait pu s'attendre à ce que l'Etat revoit sa copie, et adapte les contrats conclus dans les établissements scolaires, au droit (privé) existant. Il n'en a rien été... puisqu'en toute discrétion, c'est le droit qui a été adapté ! Ainsi, la loi 2008-1249 du 1er décembre 2008 « généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion » [sic] a introduit la possibilité de moduler la durée du travail "lorsque le contrat a été conclu (...) avec une collectivité territoriale ou une autre personne de droit public » (cf. article L. 5134-36 du code du travail). Egalement, le décret n°2009-1442 du 25 novembre 2009 "relatif au contrat unique d'insertion" a permis de rendre applicable ce dispositif de "modulation contractuelle" en créant l'article R. 5134-36 du code du travail.

Il semble donc que tout soit fait pour que les contrats les plus précaires le restent, en toute légalité et en catimini, au besoin en adaptant la loi pour qu'elle réponde au mieux aux exigences de l'employeur.



                                                                        RACHIAVEL

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